Hospitalité française

Ce que l’ASSFAM m’a apporté...

Après 3 ans et 3 mois au bureau de Lyon, je prends le clavier pour écrire dans le Thou Nouveau. Pas pour dire merci. Pas même pour dire au revoir. Migrant de par mon histoire personnelle (je suis sénégalo-français d’origine malienne), j’ai compris bien avant mon retour dans l’association que l’ASSFAM est un petit ange jaloux, voire possessif. Ne le quittez surtout pas au galop, vous risquez de revenir paisiblement chez lui. Je suis fier d’en avoir fait l’expérience et tout aussi ému de le faire savoir.

Le reste ? Comme dans toute relation, il y a eu des hauts et des bas.

D’abord, le bas de la pyramide : discussions toujours passionnées et quelques fois vives (Eliane en sait quelque chose), coups de gueule parfois injustifiés, extrême sensibilité à tout ce qui touche à l’accueil et à l’intégration des étrangers, malentendus liés notamment aux différences de bains culturels, spontanéité qui frise l’état de nature, etc. Par bonheur, la maison compte d’excellents spécialistes de la médiation. Oui, des artisans de la médiation qui s’ignorent, il en existe à l’ASSFAM!

Entre le haut et le bas de la pyramide, il y a la meilleure des transitions : le rire. Je me souviendrai toujours du jour où Alban a demandé à Samira mon certificat de grossesse. C’est un état que mon épouse m’a sérieusement donné envie de vivre, mais la nature m’oppose une fin de non-recevoir absolue. Alors, Alban..!

Du haut de la pyramide, je regarde le bas de l’édifice. Je réalise que Simone Weil exprime mieux que moi ce que l’ASSFAM m’a apporté, ce que vous m’avez apporté. Ouvrons donc « Attente de Dieu », titre d’un ouvrage de cet écrivain, et lisons ensemble ce qu’elle écrit à propos de la capacité d’attention :

« Les malheureux n’ont pas besoin d’autre chose en ce monde que d’hommes capables de faire attention à eux. La capacité de faire attention à un malheureux est chose très rare, très difficile ; c’est presque un miracle ; c’est un miracle. Presque tous ceux qui croient avoir cette capacité ne l’ont pas. La plénitude de l’amour du prochain, c’est simplement d’être capable de lui demander : Quel est ton tourment? C’est savoir que le malheureux existe, non pas comme unité dans une collection, non pas comme un exemplaire de la catégorie sociale étiquetée « malheureux », mais en tant qu’homme, exactement semblable à nous, qui a été un jour frappé d’une marque inimitable par le malheur. Pour cela, il est suffisant, mais indispensable, de savoir poser sur lui un certain regard. Ce regard est d’abord un regard attentif, où l’âme se vide de tout contenu propre pour recevoir en elle-même l’être qu’elle regarde tel qu’il est, dans toute sa vérité. Seul en est capable celui qui est capable d’attention »

En Afrique de l’Ouest, on dit que quitter le pays où on est né et où l’on a grandi, c’est mourir un peu. On y dit aussi que partir, c’est aller à la rencontre du malheur. En reconnaissant une partie de mon ancienneté professionnelle acquise là-bas et en posant un certain regard sur moi, vous m’avez tout simplement aidé à consolider la conscience de la permanence de ma personne. Vous m’avez aidé à vivre harmonieusement ma petite mort, dans la mesure où j’ai pu concilier la vérité de ma vie intime et la vérité de ma vie professionnelle. Vous m’avez aidé à amortir le choc de ma rencontre avec le malheur, ce malheur dont ma tradition dit qu’il est inséparable de l’émigration. J’estime que votre posture est le signe distinctif des gens de qualité.

Pense-t-on que j’enjolive opportunément la réalité? Serais-je en train de caresser le petit ange dans le sens des ailes? Peut-être. Mais je me permets quand même d’observer que « seuls les hommes libres sont reconnaissants les uns envers les autres ». A ce titre, je suis aussi redevable des usagers et, dans une certaine mesure, des partenaires.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que, du fond du cœur, je souhaite à l’ASSFAM d’être heureuse.

Bien sincèrement à toutes et à tous, Yac